Cabinda 2010 : 15 ans après, les terribles confidences d’Emmanuel Adebayor

Emmanuel Adebayor est revenu sur l’attentat de Cabinda survenu le 8 janvier 2010 en Angola. Entre frayeur pour les uns et derniers moments de vie pour les autres, le récit de l’ancien capitaine des Eperviers du Togo est glaçant.

Il y a 15 ans, le football togolais a été frappé par l’une des pires tragédies de son histoire. Alors que les Eperviers se rendaient en Angola pour la CAN 2010, ils vont tomber dans une embuscade des groupes armés rebelles du FLEC (Front de Libération de l’Etat de Cabinda). L’attaque fait un bilan de deux morts, le journaliste Stanislas Ocloo et Amélété Abalo, sélectionneur adjoint d’Hubert Velud et des blessés dont un grave, Kodjovi Obilalé qui en porte encore les stigmates.

« C’était comme dans un film »

Quinze ans après ce drame, Emmanuel Adebayor a raconté les évènements pour la BBC et son récit est à la fois triste et apeurant : « C’était comme dans un film, vu la façon dont ils s’habillaient. On ne pouvait même pas voir leurs yeux. Ils avaient des couteaux, des grenades, des AK47, des pistolets. Je me suis demandé : « Ces gens se prennent-ils pour des ninjas ? » Nous ne savions pas que nous étions dans une zone de guerre », narre Sheyi Adebayor, témoignant ainsi de la naïveté de la délégation togolaise qui a préféré voyager en bus plutôt que par avion comme recommandé par la Confédération africaine de football (CAF).

Hommage de la nation aux martyrs de Cabinda. ©Noël Tadegnon.

Le groupe des séparatistes va lancer l’assaut et faire des premières victimes dont Obilalé : « Il portait un maillot blanc. Il s’est levé et il était tout rouge », se souvient encore Emmanuel Adebayor. Puis Stanislas Ocloo qui a reçu trois balles dans le corps : « Il n’arrêtait pas de se plaindre : ‘Oh, mon estomac’, mais ce que nous voyions, c’est un petit trou comme quand on reçoit une injection. Quand nous sommes arrivés à l’hôpital et que nous l’avons transporté sur une civière, j’ai dit : « Mon ami, tu dois être fort. Peux-tu me promettre que tu vas essayer ? Quand le médecin est arrivé, il a effectivement dit qu’il avait reçu deux ou trois balles dans le même trou. Donc, quand Stan a entendu ça, il a abandonné. Je lui dis : ‘Non, tu dois passer par là. La famille t’attend au Togo. Nous sommes tous avec toi’. Puis j’ai réalisé que la tête ne bougeait plus. Jen’avais jamais vu personne mourir devant moi, donc je ne savais pas comment les gens mouraient », poursuit Adebayor, profondément ému.

Kendra à côté de son père Emmanuel Adebayor lors du jubilé de ce dernier au Stade de Kégué en octobre 2024.

Epris de peur, il va appeler sa compagne enceinte de Kendra (sa fille qui va naître en juin 2010) pour des instructions aux allures d’adieux : « Écoute, si le bébé est un garçon, appele-le Junior Emmanuel. Si c’est une petite fille, assurez-vous de l’appeler Princesse Emmanuella. « Elle [a répondu] : « Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi me dis-tu ça ? Puis ils ont recommencé à tirer et j’ai dû jeter le téléphone quelque part », relate Emmanuel Adebayor qui a été profondément transformé par cet évènement : « Depuis ce jour, quelque chose a changé en moi. J’ai commencé à me dire : « Il faut profiter de chaque instant comme si c’était le dernier, car on ne sait jamais quand cela arrivera.  Cabinda a fait une énorme différence dans ma vie », avoue celui qui a célébré son jubilé de fin de carrière en octobre dernier.

Emmanuel Adebayor reconnaissant envers Man City

Joueur de Manchester City à l’époque, Emmanuel Adebayor va retourner en Angleterre après le forfait des Eperviers du Togo pour la CAN 2010, décision prise par le Gouvernement togolais pour rendre hommage à ses martyrs et protéger les autres membres de la délégation. De retour à Manchester City, Adebayor va bénéficier d’un accompagnement psychologique de la part du club qui l’a aidé à ne pas sombrer. « Je vais utiliser cette plateforme pour dire un grand merci à Manchester City, car quand je suis revenu, ils m’ont donné un psychologue qui était tous les jours chez moi, me disant comment gérer cela. Il essayait toujours de me parler d’autre chose – du futur, de la nature, de la vie elle-même – pour que je puisse l’oublier. Et il m’a réellement aidé à être une autre personne », apprécie l’ancien n°25 des Sky Blues.

Aujourd’hui, cet autre Adebayor se refait le film de l’attentat de Cabinda à chaque bruit qui a la résonnance d’une arme à feu : « Quand quelqu’un laisse tomber quelque chose qui fait un bruit similaire à celui d’un coup de feu, on se souvient de ce qui s’est passé en 2010. Il faut vivre avec. Même si j’ai traversé ce moment difficile, aujourd’hui cela fait partie de ma vie », a-t-il ajouté. Un récit bouleversant qui retrace l’une des pages les plus tristes de l’histoire du football togolais.

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